Élisiaelle, Tank et moi nous retrouvâmes dans une auberge au milieu de la forêt, après une journée de voyage épuisante.
Nous étions assis autour d’une table, prenant un repas chaud et nous reposant dans le silence. L’aubergiste se trouvait occupé à préparer des boissons pour les clients, tandis qu’un homme installé à la table voisine parlait fort et de façon animée avec un ami.
« J’te jure, j’ai vu le troll dans la forêt pas plus tard qu’hier soir ! » dit l’homme.
L’aubergiste leva les yeux et secoua la tête.
« Vous les chasseurs, vous avez toujours des histoires folles à raconter, souffla-t-il avec un sourire.
— J’rigole pas, c’était un vrai troll ! Il était énorme, et il avait des yeux qui brillaient dans la nuit. Il a failli m’tuer ! Heureusement, j’ai réussi à m’échapper », insista l’homme.
Élisiaelle, Tank et moi échangeâmes des regards inquiets. Les trolls représentaient des créatures dangereuses, surtout pour de simples villageois. La région était reconnue pour rassembler de nombreux groupes de ces monstres, mais d’ordinaire ils demeuraient dans les montagnes et ne se hasardaient dans les hameaux qu’en de rares occasions. Celui-ci descendait soit pour trouver de la nourriture, ou soit avait-il été chassé de sa harde et il recherchait alors un nouveau territoire pour s’installer.
Mes compagnons aventuriers et moi convînmes d’enquêter sur cette histoire pour découvrir la raison de sa présence ici et éliminer la menace directe.
« Que puis-je faire pour vous, mes amis ? demanda l’aubergiste en s’approchant de notre table.
— Nous avons entendu votre conversation à propos de ce troll, dit Élisiaelle. Pourriez-vous nous en dire plus ?
— Je ne sais pas trop ce que je pourrais vous raconter, soupira l’aubergiste. De plus en plus de personnes rapportent avoir aperçu un troll dans la région. Il aurait déjà attaqué plusieurs villages, semant la terreur et la destruction sur son passage. »
Tank frappa la table de son poing.
« Nous devons le trouver et le tuer avant qu’il ne fasse plus de dégâts », dit-il d’une voix ferme.
Je hochai la tête et ajoutai :
« Pouvez-vous nous indiquer où il a été vu pour la dernière fois ? »
L’aubergiste réfléchit un instant avant de répondre :
« Je crois que c’était près de la rivière au sud de la forêt. Mais je vous mets en garde, c’est une créature très dangereuse.
— Oh, ne vous en faîtes pas pour nous ! Le rassurai-je. Vous avez ici la grande guerrière Élisiaelle, et le puissant barbare Tank ! Sans compter que je suis moi-même Laya, la très talentueuse barde connue dans tous les Royaumes ! énonçai-je avec panache.
— Soyez tout de même prudents. » Conclut-il sans paraître réaliser qui se tenait devant lui. Mais je ne l’en blâmai pas, les aventuriers vantards se présentaient nombreux.
Nous prîmes le temps de nous reposer dans l’auberge, mangeant et partageant des histoires de nos aventures passées. Puis, nous remerciâmes l’aubergiste et nous levâmes de table, prêts à affronter le troll. Munis de nos armes et de nos compétences de combat, nous étions parés.
En pleine nuit, nous sortîmes et nous dirigeâmes vers la rivière, où nous pensions trouver le troll. Le ciel apparaissait sombre et menaçant, et la forêt silencieuse, à l’exception du bruit de nos pas sur les feuilles mortes. Soudain, nous entendîmes un grognement sourd, suivi d’un rugissement puissant. Le troll se terrait dans les parages, et nous n’allions pas tarder à le rencontrer.
Élisiaelle, Tank et moi nous mîmes en position pour le combat. Malgré le grand danger que représentait cette confrontation, nous n’hésitâmes pas. Mes compagnons et moi avions déjà affronté des adversaires redoutables dans le passé. Pourtant, un troll se révélait un ennemi différent, plus puissant et plus féroce que la plupart de nos opposants habituels.
Le troll émergea des buissons, sa peau verte brillant sous la lumière de la lune. Il avait des dents acérées, des yeux rougeoyants et des griffes aussi longues que des épées. Il semblait impitoyable dans sa rage destructrice. Il émit un hurlement qui fit trembler la forêt, avant de se précipiter sur nous.
Élisiaelle se plaça en première ligne, sa lame étincelant dans la nuit. Élevée dans une tribu exclusivement féminine, elle avait appris le maniement des armes dès son plus jeune âge et y excellait. Elle esquiva les attaques de griffes du troll avec agilité, avant de l’atteindre à l’épaule.
Le troll rugit de douleur, mais ne recula pas. Au contraire, sa blessure augmenta sa frénésie meurtrière.
Tank se positionna dans le dos de l’abomination. Lui avait grandi dans un clan de l’est septentrional où les conditions de vie se révélaient rudes et cruelles. Comme beaucoup des membres de son peuple, il affectionnait les combats brutaux à la hache et à la masse. Sa force physique s’avérait impressionnante, et il était connu pour sa faculté à encaisser les coups les plus violents sans broncher. Tandis que la guerrière occupait l’attention de l’abomination, il s’élança, brandissant sa hache au-dessus de sa tête. Il donna un grand coup, mais le troll l’évita de justesse, lui arrachant une partie de son armure de cuir en passant. Par chance, les griffes acérées ne firent que frôler son abdomen sans lui occasionner de blessures.
Quant à moi, je restai en retrait, jouant de ma lyre pour inspirer mes compagnons. J’avais choisi de chanter une mélodie envoûtante, encourageant Élisiaelle et Tank à se battre avec plus d’audace et de force.
Soudain, le troll balaya de son bras gauche dans un ample mouvement, en essayant de frapper les deux guerriers en même temps, tandis que du droit, il se préparait à les embrocher de ses griffes.
Élisiaelle leva son fer pour bloquer l’assaut, et Tank réussit à esquiver en se jetant de côté.
J’arrêtai alors ma chanson, et me mis à entonner une ballade pour distraire et affaiblir le troll.
Il cligna des yeux à plusieurs reprises, preuve que mon air l’affectait.
Élisiaelle et Tank en profitèrent pour porter chacun un coup décisif, tranchant les membres supérieurs du troll.
Le monstre hurla de douleur et de colère, puis s’effondra sur le sol.
Alors que nous soufflions un instant, nous remarquâmes que ses bras coupés commençaient à bouger. Avec horreur, nous vîmes les membres sectionnés se remettre en place, la chair et les os se ressoudant rapidement jusqu’à ce qu’ils soient entièrement reconstitués. Nous n’avions pas abattu l’abomination, mais lui avions simplement infligé des blessures temporaires. Nous le savions, mais la rapidité de son pouvoir de régénération nous surprit.
Le troll se releva, grognant et grondant de rage. Du sang coulait de ses yeux, et une écume blanche bouillonnait à sa bouche. On aurait dit que la douleur ressentie de ses membres coupés avait fini par le conduire sur le chemin d’une folie furieuse que nous ne pourrions calmer qu’en l’achevant.
Élisiaelle, Tank et moi reprîmes notre position de combat, déterminés à vaincre définitivement le troll cette fois-ci. De son côté, le troll s’élança vers nous avec une frénésie décuplée.
Élisiaelle l’attaqua avec son épée, mais le troll saisit la lame à pleine main et la brisa entre ses doigts.
Tank frappa avec sa hache, mais elle rebondit sur les griffes du monstre.
J’attrapai mon arbalète et tirai plusieurs carreaux, mais un seul pénétra la peau épaisse du troll, les autres ricochant sans lui causer la moindre égratignure.
À une vitesse folle, le troll toujours plus enragé empoigna Élisiaelle par la taille et la souleva dans les airs.
Elle se débattit, cognant avec ses poings et ses pieds, mais l’abomination la maintint fermement en place.
Tank se rua vers le monstre, déterminé à libérer Élisiaelle, mais celui-ci le repoussa d’une attaque de griffes.
En désespoir de cause, je me positionnai derrière le troll et lui assénai des gifles, qui n’eurent aucun effet.
Malgré sa position inconfortable, Élisiaelle saisit un poignard camouflé sous sa cuirasse, et réussit à le planter dans la gorge du troll.
Le monstre hurla de douleur, et lâcha la guerrière. Dans un geste inconsidéré il arracha la lame de son cou. Un sang épais et écarlate jaillit d’un coup qu’il tenta en vain de juguler.
Tank en profita pour frapper avec sa hache, sectionnant cette fois-ci la tête du troll.
Le cadavre monstrueux tomba sur le sol, inerte.
Nous nous empressâmes d’y mettre le feu afin d’éviter toute nouvelle régénération. Nous poussâmes enfin un soupir de soulagement, épuisés, mais satisfaits de notre victoire définitive. Nous avions vaincu le troll pour de bon.